jeudi 29 janvier 2009

62 - Des grains de sable dans un songe



Vidéo : "Vers Ostende mais sans aller jusqu'à Ostende"

Mademoiselle,

Dans l'infini imaginaire, j'ai des souvenirs de votre grâce féminine. Un coeur qui bat ne demande pas de compte au réel et n'a pas besoin de tangibles preuves d'une promenade amoureuse ou d'un sourire pour continuer à battre. L'idée seule de cette promenade, de ce sourire l'émeut.

J'étais donc avec vous, perdu dans les dunes un peu en friches d'une plage que je crois connaître. Peut-être Fort Mahon, Cayeux-sur-Mer ou quelque part ailleurs dans leurs proches alentours... Nous étions sous un soleil vernal, en milieu de journée, et il semblait n'y avoir que nous parmi ces dunes. La réalité des choses se bornait à l'air, limpide, au sable et au soleil. La chaleur de l'astre était douce, agréable. Pourquoi voyais-je surtout vos pieds nus enfouis à demi dans le sable clair ? Je l'ignore. Je pressentais que vos pieds prenaient le parfum du sable, et cela me troublait étrangement.

C'était comme si vous vous fondiez avec les dunes, en tout cas c'était une façon subtile et directe de vous mêler avec la mer toute proche. Je vous tendais la main, et des grains de sable se mêlaient à l'étreinte de nos doigts.

Une nouvelle fois je pris conscience de l'odeur de ce sable, et en effet je me sentis immédiatement envahi par ces effluves aréneux. Et ne me dites pas que le sable n'a pas d'odeur ou si peu, car j'avais senti jusqu'à son essence : parfum régnant dans la profondeur enfouie du sable, prisonnier dans ses entrailles et que l'on sent furtivement quand on remue à proximité du visage des brassées entières de grains. Parfum évoquant les mystères de la matière faisant écho à ceux de l'âme.

Nous marchions ainsi main dans la main sur les dunes, lentement. Parfois je m'arrêtais un instant pour mieux sentir le sable autour de mes chevilles, car j'étais pieds nus moi aussi. Et puis lorsque je rouvrais les yeux votre visage m'apparaissait, paisible sous le vent, parmi les dunes.

Votre sourire à peine esquissé ressemblait aux tiges d'herbes croissant çà et là sur les dunes, ployant calmement dans l'air en mouvement. On ne voyait que ces dunes, et c'était rassurant parce que chacune d'elles était un exemple de singulière beauté, simple et sans prétention.

C'était la beauté ordinaire de lignes suaves, minces, I'équilibre banal des formes avamment ordonnées par la nature. Une grâce tellement coutumière aux regards qu'elle n'atteint plus les sensibilités blasées. J'étais heureux de cette capacité d'émerveillement en moi, heureux de trouver dans ces dunes délaissées, négligées, une espèce d'éden temporel digne de nos pas mêlés. Le reste du monde nous oubliait avec les dunes, laissant mûrir au soleil mon amour pour vous à mesure de notre avancée sur le sable.

Nous ne parlions pas, et nous n'entendions que le bruit de notre marche dans l'air, car même le vent se faisait oublier, intimement lié au décor. Vos yeux à demi ouverts parcouraient ce paysage de sable et d'herbes sans se fixer précisément en un endroit déterminé, et c'était comme une façon sereine de regarder le monde, sans heurt, globalement, car tout n'étaient que courbes molles et touffes d'herbes aérées. Rien ne brusquait l'attention, le paysage entier formant une unité tranquille dont nous étions le centre.

Il n'y a pas de suite a notre promenade dans ces dunes. Je me suis perdu dans une contemplation qui a éparpillé mon âme dans l'air, la lumière et les grains de sable au nombre presque infini. Je suis devenu les dunes, les herbes, l'azur, les grains de sable entre vos orteils, dans vos cheveux, dans chacun de vos yeux.

Je suis devenu ce paysage à la fois dérisoire et sublime d'une plage de dunes sous le soleil, avec vous au centre, les pieds parfumés de sable.

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